La région la plus foudroyée au monde

Des chercheurs du Laboratoire d'aérologie de Toulouse ont réalisé une « climatologie » des éclairs du bassin du Congo, où les orages sont très nombreux.

 

« Nous avons étudié la région la plus foudroyée au monde !» souligne Serge Soula, du Laboratoire d'aérologie (LA) de Toulouse 1. Avec des collègues du département de physique de l'Université de Kinshasa (République démocratique du Congo) et du Laboratoire de l’atmosphère et des cyclones (LACy/OSU, Réunion), ce spécialiste des phénomènes électriques de l'atmosphère s'est penché sur le bassin du Congo et en particulier sur la République démocratique du Congo. Cette région reçoit par endroit jusqu'à 50 éclairs par kilomètre carré et par an au sol, contre 1 à 2 pour la France.

 

Afin de réaliser une « climatologie » de ces éclairs, c'est-à-dire de déterminer leur répartition dans l'espace et le temps, l'équipe a analysé une importante série de mesures effectuées entre 2005 et 2013. Elles proviennent du réseau mondial de cartographie des éclairs, le WWLLN (World Wide Lightning Location Network), qui ne cesse de s'étendre et comporte aujourd'hui près de 60 stations au sol réparties sur la planète.

 

Le principe sur lequel ces détections sont basées est simple : lors d'un éclair, le passage du courant électrique induit la formation d'un champ électromagnétique dans une vaste gamme de fréquences, en particulier dans celle des ondes radio. On peut d'ailleurs fréquemment constater, lorsqu'on écoute la radio un jour d'orage, un brouillage pendant un éclair. Ces ondes peuvent être détectées par des stations munies d'antennes et situées à plusieurs milliers de kilomètres de distance. Lorsque le signal est capté par plusieurs stations à la fois, on peut retrouver la localisation de l'éclair à quelques kilomètres près. Cette détection concerne principalement les éclairs qui vont des nuages vers le sol. « Nous confrontons ces mesures au sol à celles effectuées par satellite, qui sont aussi capables de détecter les éclairs qui se produisent à l'intérieur même des nuages» souligne Serge Soula. En 2013, près de 9 millions d'éclairs ont été observés sur la République démocratique du Congo par le seul réseau WWLLN, qui n'en détecte pourtant que 6% environ, ce qui donne une idée de l'ampleur du phénomène.

 

Mais pourquoi est-ce la région la plus foudroyée au monde ? « Parce que les conditions sur place sont très favorables à la formation des orages, explique Serge Soula. L'air proche du sol est fortement chauffé par le rayonnement solaire, alors qu'en altitude il y a un courant d'air froid : ceci génère une forte instabilité. Il faut ajouter une alimentation en humidité en provenance de l'Océan Indien et du Lac Victoria qui contribue à la formation de cumulonimbus, les nuages à l'origine des orages. »

 

Dans la région, les travaux révèlent que l'activité orageuse est logiquement liée aux saisons : elle est forte d'octobre à  mars et plus faible de juin à août. Cependant, il existe un endroit où l'activité orageuse est maximale et permanente. Il se situe dans la région du Kivu au niveau des montagnes Virunga qui culminent à plus de 3000 mètres, ce qui favorise le soulèvement des masses d'air chaud et humide déclenchant les orages. « Dans la région de ce massif montagneux, les orages sont plus fréquents, plus nombreux et plus actifs que dans le reste du pays, ce qui explique un bien plus grand nombre d'éclairs » souligne Serge Soula.

 

Cette étude, parue dans la revue Atmospheric Research, a permis de tester l'efficacité du réseau de mesures au sol, et de comparer avec les mesures effectuées par les satellites. Elle prépare également l'exploitation des données qui seront issues de la troisième génération de satellites géostationnaires Météosat (MTG), qui seront lancés à partir de 2020. Ceux-ci seront en effet équipés de détecteurs d'éclairs destinés à suivre le déplacement et l’intensité des orages pour la prévision immédiate dans une grande zone incluant l’Europe et l’Afrique.

 

Jean-François Haït

 

 

  • 1. Laboratoire d'aérologie – LACNRS, Université Toulouse III – Paul Sabatier