Garaison, le camp oublié de la Grande Guerre

Dans les Hautes-Pyrénées, des Allemands ont été internés entre 1914 et 1919. Les journaux de captivité de deux femmes refont surface, et incitent le Centre de recherches et d’études germaniques à lancer un vaste projet de recherche et de diffusion historique.

« Tout a commencé avec un simple courrier, raconte Hilda Inderwildi, chercheuse au Centre de Recherches et d’Études germaniques (CREG) de l’Université Toulouse Jean Jaurès. Il provient de l’établissement scolaire de Notre-Dame-de-Garaison à Monléon-Magnoac, dans les Hautes-Pyrénées, qui sollicite la traduction de fragments de journaux ». Il s’agit des récits de deux Allemandes qui furent détenues au couvent, transformé en camp d’internement entre 1914 et 1919.

« J’ai été d’abord très surprise, poursuit la chercheuse, car je ne savais pas qu’on avait interné là des ressortissants des nations ennemies ». Pendant la 1re Guerre mondiale, une soixantaine de camps ont été ouverts, surtout dans l’ouest et le sud de la France, loin du front. Dans ce qui s’appelait le « camp de concentration de Garaison », 2250 civils originaires d’Allemagne, d’Autriche-Hongrie ou de l’Empire ottoman et résidant en France au début de la guerre, furent parqués dans des conditions insalubres.

Gertrud Köbner raconte ainsi le régime militaire de la détention, les appels, les corvées, les privation, et l'incertitude qui les ronge : «  On nous a annoncé que nous serions échangées contre des Françaises, mais aussi bien la population que le préfet et les députés du département font tout ce qu’ils peuvent pour (nous) retenir [...] Nous Allemands, nous sommes une véritable mine d’or que la population a l’intention d’exploiter jusqu’à la fin. » D'autres internés ont pris des photos de ce quotidien.

Ne voulant pas laisser dormir un tel trésor, Hilda Inderwildi et sa collègue Hélène Leclerc lancent, avec d'autre chercheurs du CREG, le projet « Patrimoines Nomades ». Il associe de la recherche (étude des témoignages, recherches biographiques sur ces internés, identification des images, étude historique sur l’artisanat qui s’est développé à l’intérieur du camp), de la traduction, et la création d’une exposition itinérante. Le 17 décembre 2015, il obtenait le label de la mission Centenaire[1].

Un documentaire, intitulé « Loin de Verdun » a été réalisé par Xavier Delagnes, de l’Ecole supérieure d'audiovisuel.  Des extraits des journaux de Garaison vont paraître en avril[2], avant leur publication en intégralité. Enfin, l'exposition se déplacera en Allemagne, où les chercheuses prévoient de tourner un documentaire basé sur des entretiens avec les descendants des prisonniers de Notre-Dame-de-Garaison.

Anne Debroise

[1] Ce label distingue les initiatives les plus remarquables commémorant le centenaire de la Grande Guerre.

[2] Récits de captivité. Garaison 1914, éditions Le Pérégrinateur, 2016.