De la puissance pour l'Internet des objets

Une équipe menée par des chercheurs toulousains du CIRIMAT a mis au point un procédé pour intégrer des supercondensateurs sur les puces électroniques. L'enjeu : alimenter efficacement en électricité les capteurs miniatures qui seront bientôt disséminés par milliers dans l'environnement.

 

Capteurs de température, de déformation, détecteurs de mouvement, puces RFID pour l'identification... Dans un avenir proche, des milliers de capteurs miniaturisés pourraient être disséminés sur les sites industriels, sur les avions, ou même dans nos maisons. Communiquant entre eux sans fil, connectés à des bases de données et à des utilisateurs, ils fourniront des informations quasiment en temps réel sur l'état de leur environnement. C'est l'« Internet des objets ».

 

Mais pour cela, il est nécessaire de les alimenter au mieux en énergie électrique. Une équipe de chercheurs toulousains conduite par Patrice Simon, du Centre inter-universitaire de recherche et d'ingénierie des matériaux (CIRIMAT)1, associée à des chercheurs de Lille et d'Amiens, a peut-être trouvé la solution. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Science.

 

Au cœur du problème, la puce électronique sur laquelle repose tout capteur  : un circuit gravé dans une feuille de silicium, alimenté en général par une micro-batterie. Mais celle-ci a une puissance limitée. Résultat : les demandes de puissance répétées liées aux interrogations régulières du capteur la dégradent.

 

La solution : faire appel à un ou plusieurs « micro-supercondensateurs ». Un supercondensateur est constitué de deux électrodes en carbone poreux séparées par une solution liquide contenant des ions positifs et négatifs. Ceux-ci s'accumulent de part et d'autre dans les pores du carbone, ce qui crée une différence de potentiel donc un courant électrique, de forte puissance et qui peut être libéré très rapidement. Chargés par la micro-batterie, les « micro-supercondensateurs », ainsi baptisés car de très petite taille, peuvent délivrer les puissances souhaitées. Pour cela, le mieux est de les implanter directement sur la puce lors de sa fabrication.

 

« Encore fallait-il trouver un procédé compatible avec les contraintes des industriels de l'électronique», explique Patrice Simon. C'est ce que l'équipe a réussi au terme de cinq ans de recherche. Leur procédé consiste à déposer une couche de carbure de titane sur le silicium de la puce, puis à exposer cette couche à du chlore gazeux pour la transformer partiellement en carbone poreux (voir illustration). Une opération particulièrement délicate, réalisée avec l'aide d'une autre équipe toulousaine du Laboratoire de physique et chimie des nano-objets (LPCNO)2.

 

« Nous avons réussi à maîtriser les paramètres du dépôt de carbure de titane, et à bien doser la chloration. Et ce grâce au savoir-faire de nos laboratoires dans ces traitements et en microfabrication », souligne Patrice Simon, qui a reçu pour ses travaux la médaille d’argent du CNRS en 2015.

 

Résultat : le micro-supercondensateur sur silicium présente d'excellentes propriétés électriques, en termes d'énergie et puissance, qui permettent d'envisager des applications dans l'industrie. Mais le carbone poreux obtenu possède aussi des propriétés mécaniques surprenantes, qui combinent dureté et élasticité, et laissent entrevoir d'autres débouchés, comme une électronique « flexible » destinée par exemple à de futurs vêtements intelligents.

 

Jean-François Haït

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Référence :

On-chip and free-standing elastic carbon films for micro-supercapacitors

P. Huang, C. Lethien, S. Pinaud, K. Brousse, R. Laloo, V. Turq, M. Respaud, A. Demortière, B. Daffos, P.L. Taberna, B. Chaudret, Y. Gogotsi, P. Simon. Science, 12/02/2016

 

1 Centre inter-universitaire de recherche et d'ingénierie des matériaux - CIRIMAT : CNRS - Université Toulouse III - Paul Sabatier - INP Toulouse

2 Laboratoire de physique et chimie des nano-objets – LPCNO : CNRS - Université Toulouse III - Paul Sabatier - INSA Toulouse